Nom : BOUREFIS
Prénom : Tahar
Date de naissance (ou âge) : 16 décembre 1936 à Texanna (Jijel)
Etat-civil : Marié
Nombre d’enfants : 10
Profession : Enseignant de Coran
Adresse : Emir Abdelkader, Jijel
Date de l’arrestation : 23 août 1996
Heure : 2h
Lieu de l’arrestation : Domicile familial
Agents responsables de l’arrestation : militaires
Résumé des faits : Tahar BOUREFIS, âgé de 60 ans, marié, enseignant de Coran, demeurant dans le village de Emir Abdelkader, wilaya de Jijel, a été arrêté le 23 août 1996 à 2h du matin par des militaires qui l’ont embarqué avec une vingtaine d’autres habitants du village. Il a été retenu durant au moins quelques jours au secteur militaire opérationnel de Jijel. Puis la famille n’a plus eu de nouvelles.
Lieu (x) où la personne disparue a été localisée éventuellement :
- siège du secteur militaire opérationnel de Jijel (caserne des services de renseignements sous le commandement de Mr LEBBAH Salah) le même jour
Démarches entreprises par la famille :
- Plainte pour enlèvement déposée par sa famille.
- Lettres à la CNCPPDH, Président de la République, procureur de la République, procureur militaire et différents ministres.
- Lettre au groupe de travail sur les disparitions forcées au niveau de l’ONU, différentes organisations de défense des droits de l’homme.
Observations :
- Le village compte plus de 40 disparus.
- le fils Bachir a disparu lui aussi le 22 décembre 1996 après son arrestation à la gendarmerie de la commune Emirabdelkader.
- le fils Boualem avait entamé le 10 septembre 1996 un stage pour adjudants pénitenciers, au niveau de l’annexe de l’école nationale de l’administration pénitentiaire située à Kasr-chellala (w. de Tiaret).il fut exclu du stage le 19 janvier 1997 après l’achèvement de l’enquête menée par la gendarmerie de son domicile et qui concernait ses antécédents personnels et familiaux. C’est pourquoi Boualem avait eu recours à la direction générale de l’administration pénitentiaire (DGAP) à Alger ou il a été informé que le résultat de l’enquête était négatif (appartenance au parti dissout et membre d’une famille sympathisante avec les groupes terroristes) et de l’impossibilité de sa réintégration.
- le fils Slimane a fait l’objet d’une arrestation par la gendarmerie (6 gendarmes entre autres le nommé Mustapha) de la commune Emirabdelkader le mercredi 12 mars 1997 vers 19h à son domicile , il a été emprisonné au siège de cette gendarmerie dans des conditions épouvantables , il a subit par Mustapha et Said GUEHAM le brigadier chef des tortures sauvages physiques et psychiques entre autres (l’épreuve du chiffon ,les bastonnades,les flagellation,la faim, la soif,les insultes …etc.),ces pratiques visaient à obliger Slimane à impliquer à tort un autre détenu (HOULI Mohamed) dans le soutien des groupes terroristes. Slimane fut libéré avec Mohamed le mercredi 26 mars 1997 dans une situation lamentable.
Témoignage de la famille : (L’épouse)
Mon mari Tahar occupait la fonction d’enseignant de Coran à la mosquée d’El Islah, village El-Ayaycha, dans la commune de Kaous (Jijel). L’histoire de sa disparition remonte à la nuit de 22 au 23 août 1996 à 2h du matin où toute la famille fut réveillée par des coups violents à la porte donnant sur une cour devant notre domicile. Sans attendre l’ouverture de la porte, les éléments de l’ANP (Armée nationale populaire) ont franchi rapidement le mur de la cour et voyant la fenêtre de la chambre où dormait mon fils Bilal ouverte, ils ont orienté leurs armes (kalachnikovs) sur lui, lui ordonnant d’ouvrir la seconde porte. J’ai ouvert cette porte et immédiatement toute la maison fut envahie par les militaires qui cherchaient Tahar. Ils ont vérifié sa carte d’identité et lui ont demandé de les accompagner. Ils nous ont assurés qu’il sera libéré le lendemain vers 10h. Les circonstances m’ont à tel point traumatisé que j’ai été prise d’un vertige. Cependant j’ai rassemblé mes forces et je suis sortie pour suivre les militaires jusqu’au centre du village, juste en face du siège de la gendarmerie nationale où j’ai vu les militaires faire monter Tahar et une vingtaine d’autres hommes enlevés, tous habitants du même village, dans un bus civil.
J’ai aperçu Monsieur BOUDJDIR Abdelkader conduisant le bus, escorté par deux véhicules militaires de type 4×4 qui prirent la route vers Jijel centre. Je suis retournée chez moi tandis que les véhicules ont continué la route jusqu’au siège du secteur militaire opérationnel de Jijel. Les hommes enlevés ont été embarqués à l’intérieur alors que le chauffeur de bus a été immédiatement libéré avec le bus. Le lendemain matin, j’ai contacté le chauffeur de bus qui avait été contraint de conduire les personnes arrêtées puis je suis allée au secteur militaire opérationnel de Jijel (situé en face de l’école paramédicale) afin de réclamer la libération de Tahar et de connaitre les raisons de son enlèvement. Les militaires ont nié leur responsabilité dans la rafle et sa détention à l’intérieur de leurs locaux. Pourtant après 4 mois, deux des personnes enlevées dans la même nuit (messieurs BOUATROUS Mesaoud et Rachid) ont été libérées et m’ont confirmé que mon mari avait été avec eux pendant une nuit dans la même cellule. Ils ont été par la suite séparés. Depuis, je n’ai plus eu aucune information sur le sort de Tahar. Mon mari avait été licencié de son travail un an avant son enlèvement pour être réintégré à son poste un mois plus tard.