Victimes de disparitions forcées

BOUZENIA Lakhdar

Nom : BOUZENIA

Prénom : Lakhdar

Date de naissance (ou âge) : 14 janvier 1955 à El-Kennar (Jijel)

Etat-civil : marié 

Nombre d’enfants : 5

Profession : professeur d’arabe       

Adresse : Jijel

Date de l’arrestation : 24 mai 1993 (Disparition 27 octobre 1993)

Heure :

Lieu de l’arrestation : Arrêté à un barrage de la gendarmerie mais disparu de la prison

Agents responsables de l’arrestation : Sécurité militaire et gendarmes

Résumé des faits : Agé de 38 ans, marié et père de 5 enfants, professeur d’arabe dans un lycée, il est arrêté le 24 mai 1993 à un barrage de la gendarmerie et transféré dans différents centres de détention secrets, il est sauvagement torturé. Il finit par être inculpé par un juge d’instruction. Détenu à la prison de Jijel, il doit être transféré à Constantine le 27 octobre 1993 dans l’attente de son procès qui doit avoir lieu le 17 novembre 1993. Extrait de la prison, il disparaît.

Démarches entreprises par la famille :

  • Ministre de la Justice
  • Procureur prés la Cour de Jijel
  • Président de l’ONDH de l’époque
  • Président de la ligue algérienne des droits de l’homme
  • Amnesty international

Observations : le village compte plus de 100 disparus.

Témoignage de la famille :

Disparition de Lakhdar Bouzenia au mois d’octobre 1993

Lakhdar Bouzenia, né le 14 janvier 1955 à El-Kennar, marié et père de 05 enfants, était professeur de littérature arabe au lycée de Sidi-Abdelaziz dans la wilaya de Jijel. Il était élu du FIS (Front islamique du salut) au premier tour des élections législatives en décembre 1991 dans la circonscription de Chekfa.

Le 24 mai 1993, il est arrêté à un barrage de la gendarmerie dans la localité d’El-Acer dans la wilaya de Jijel. Porté disparu pendant plus d’un mois, il réapparaît au tribunal d’El-Milia au moment d’être présenté au juge d’instruction. Il est méconnaissable en raison des tortures subies. Il ne tient pas debout. Les traces de sa « crucifixion » sont encore visibles sur ses mains et ses pieds.

Le juge, qui pourtant peut constater l’état dans lequel il se trouve, refuse de le faire examiner par un médecin ou de l’envoyer dans un hôpital. Il l’inculpe pour « constitution et appartenance à une organisation terroriste » et « atteinte à la sécurité de l’Etat ».

Ses codétenus racontent qu’il a transité par plusieurs centres de torture tenus par le DRS (secteur militaire de Jijel, CTRI de Constantine) et la gendarmerie nationale (brigades El-Ancer, El Milia, Settara et El-Ouana).

Il est transféré à la maison d’arrêt de Jijel où il est détenu jusqu’au 27 octobre 1993. Sa famille lui rend régulièrement visite et peut constater qu’il n’échappe pas à la torture en prison.

Le 27 octobre 1993, il doit être transféré à la prison de Constantine dans l’attente de son procès prévu pour le 17 novembre 1993. A deux reprises il est question de l’emmener la prison de Constantine en compagnie d’autres prisonniers, mais ces ordres sont annulés au dernier moment. Finalement, il est transporté seul dans un fourgon de gendarmerie, escorté par 9 véhicules, alors que le transfert de prisonniers est habituellement collectif.

L’administration pénitentiaire de Constantine déclare ne jamais avoir admis Lakhadar Bouzenia. Extrait vers 11h de la prison de Jijel, il disparaît donc par la suite. La famille pense qu’il a été assassiné lors de ce transfert.

La presse écrite du 31 0ctobre 1993 rapporte quant à elle un communiqué des forces de sécurité faisant état de l’élimination d’un terroriste notoire du nom de Lakhdar Bouzenia, abattu au lieu dit Taskift à une dizaine de km à l’est de la ville d’El-Milia. Le journal télévisé de 20H se fait l’écho de cette information en rapportant que les forces de sécurité ont réalisé un important exploit en neutralisant un dangereux terroriste répondant au nom de Lakhdar Bouzenia. Or à ce moment ce dernier se trouve entre les mains des autorités du pays.

Le jour de son procès, le 17 novembre 1993, le tribunal fait appeler le prévenu Lakhdar Bouzenia puisque selon le dossier, il est sensé être sous le contrôle de la Justice. Le procureur murmure alors des propos dans l’oreille du président de la Cour qui devient très nerveux. Après un long silence, les juges se retirent pour délibération. A leur retour, ils prononcent le verdict suivant : « non lieu par suite du décès du prévenu » !

La famille a tout fait pour connaître la vérité, récupérer son cadavre ou même pour prendre connaissance du lieu de son enterrement, en vain.

Elle a saisi le procureur général de Jijel, le ministre de la justice, le directeur de la prison de Jijel qu’elle tient responsables de cet assassinat. Mais aucun d’entre eux n’a jamais répondu. Le responsable du parquet de Jijel (portant tutelle immédiate de l’établissement pénitencier et ayant signé l’ordre de transfert), acculé par la famille du disparu, est allé jusqu’à dire que cette affaire le dépasse et qu’il ne peut rien faire.

Dans le cadre de l’application de la charte sur la paix et la réconciliation nationale, une demande de recherche de disparu est adressée, comme le stipulent les textes réglementaires, à la brigade de gendarmerie nationale territorialement compétente. Un rappel est envoyé à la même brigade avec notification à la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) présidée par Me Ksentini. Mais ni la wilaya de Jijel, ni la gendarmerie ou l’instance présidée par Me Ksentini n’ont daigné répondre.